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Projet de loi « DADVSI » : à contre-courant, le Sénat rejette l’interopérabilité et prône la brevetabilité du logiciel

mardi 18 avril 2006, par Gérald Sedrati-Dinet (gibus), Rene Paul Mages (ramix)

Paris, le 18 avril 2006 — Les associations signataires de ce communiqué ont pris connaissance des amendements au projet de loi DADVSI adoptés par la commission des affaires culturelles du Sénat le 13 avril 2006. Ces associations constatent que le rapporteur sur le projet de loi et ses collègues ont dénaturé le travail des députés qui avaient su s’unir, par delà les clivages habituels, pour encourager l’innovation, la libre entreprise et la recherche française. Ils étaient en effet parvenus à un accord sur la rédaction de l’article 7 (adopté le 16 mars en seconde délibération à l’unanimité).

Cet article 7 faisait de la France le premier pays d’Europe à véritablement défendre activement l’interopérabilité. Il garantissait la libre concurrence sur des marchés stratégiques et la sécurité de développement du logiciel libre dans notre pays. Cette première mondiale avait d’ailleurs été saluée Outre-Atlantique [1].

Or la commission des affaires culturelles a décidé de revenir sur les avancées du texte en soumettant la fourniture des informations essentielles à l’interopérabilité à des licences dites « équitables et non-discriminatoires », qui ne sont pas sans rappeler les licences RAND ("raisonnables et non-discriminatoires") pour les brevets. Lors du débat concernant la directive européenne sur les brevets logiciels, des milliers de PME ont pourtant témoigné que ce type de licence est hors de leur portée financière et n’était avantageux que pour les grandes entreprises en situation de quasi-monopole.

De plus, alors que l’Assemblée offrait au citoyen le moyen de faire valoir son droit à l’interopérabilité en saisissant le Tribunal de Grande Instance, le Sénat prévoit de créer une Autorité de régulation des mesures techniques de protection qui pourra notamment interdire la publication d’un code source pour peu qu’elle estime que sa publication porte atteinte à l’efficacité ou à l’intégrité d’une mesure technique. Les auteurs de logiciels libres pourraient ne plus avoir le droit de divulguer un simple logiciel lecteur de DVD sous prétexte que ses utilisateurs pourraient exploiter l’oeuvre à des fins illicites. C’est confondre, une nouvelle fois, l’outil et l’usage qui en est fait.

Tout aussi grave, il avait été rappelé à l’Assemblée l’importance de "la non-brevetabilité des mesures de protection, conformément à la décision du Parlement européen selon laquelle tout logiciel n’est pas brevetable". [2] Or le rapporteur du Sénat propose de remplacer cette garantie par une formulation trompeuse : la référence à l’article L611-10 CPI qui est le moyen par lequel les partisans des brevets logiciels ont pu détourner le droit et faire accepter par l’INPI ou l’Office européen des brevets des dizaines de milliers de brevets logiciels. Cette position adoptée par le Sénat contredirait donc fondamentalement la position traditionnelle de la France, en plus de faire peser des risques majeurs de création d’une protection par le secret sur les méthodes intellectuelles utilisées dans les mesures techniques de protection.

En fin de compte, plutôt que de confirmer l’analyse des députés par un vote conforme de l’article 7, les sénateurs membres de la commission des affaires culturelles du Sénat qui ne se sont pas opposés aux amendements du rapporteur n’ont pas su identifier les véritables enjeux économiques de ce texte et n’ont pas su résister aux pressions des intérêts particuliers de sociétés comme Vivendi, Thomson, Microsoft et Apple, au détriment de l’intérêt général et de l’industrie française et européenne du logiciel. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les nouveaux articles 7 et 7 bis avec la note envoyée aux élus par le cabinet de lobbying de Thomson. [3]

Les associations signataires de communiqué invitent donc les sénateurs, notamment ceux de la commission des affaires économiques, à se saisir le plus rapidement possible de ce dossier, à prendre en compte les avancées et le consensus politique établi autour de l’actuel article 7, et à ne pas voter les amendements 17, 18, 23 et 24 présentés par le rapporteur Thiollière au nom de la commission des affaires culturelles.

Références

[1] How France is saving civilization (Wired, 22 mars 2006) - http://www.wired.com/news/columns/0,70461-0.html

[2] Intervention du député Richard Cazenave, le 16 mars 2006 lors de la 2nde délibération sur l’article 7 - http://www.assemblee-nationale.fr/12/cra/2005-2006/175.asp

[3] Note de Thomson, envoyée aux parlementaires par le cabinet d’influence Lysios - http://eucd.info/documents/note-thomson.doc

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