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Microsoft : « Donnez-nous des brevets logiciels ou nous retirons 800 postes au Danemark ! »
mardi 15 février 2005, par
Selon les rapports d’un journal danois, Bill Gates aurait menacé le gouvernement danois de rapatrier les postes du Danemark aux États-Unis si le Danemark continue à s’opposer à la directive sur les brevets logiciels. Alors que le premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, nie ces rapports, ceux de Navision et des collègues du parti de Rasmussen les confirment partiellement.
Le rapport original
Børsen et le Copenhagen Post citent Bill Gates — selon l’avocat-conseil juridique en chef de Microsoft, Marianne Wier, qui a assisté à la réunion — disant dans une conversation avec le premier ministre danois, Fogh Rasmussen, à propos de la brevetabilité des logiciels en Europe :
Je maintiendrais mon centre de développement au Danemark à condition que cette question de droit soit résolue. Sinon, je le déplacerai aux Etats-Unis où je peux protéger mes droits.
Le rapport de Børsen confirme que des menaces de ce style ont été proférées pendant l’entretien Gates-Ramunssen :
Après une entrevue avec Bill Gates en novembre le ministre des Sciences, Helge Sander, a déclaré dans une interview au journal Børsen :
Encore et encore nous constatons que la connaissance est aisément délocalisable, et donc chacun peut se rendre compte qu’une entreprise comme Microsoft peut déplacer la sienne [sic. son activité] du Danemark n’importe où ailleurs dans le monde. Quand une grande entreprise établit au Danemark sa plus grande organisation de développement en dehors des États-Unis, il y a des investissements qui suivent et c’est quelque chose que nous, dans le secteur public, nous devons reconnaître.
Bendt Bendsen a voté pour la directive sur les brevets logiciels au Conseil des Ministres et le gouvernement a été favorable à l’idée d’une harmonisation sur cette partie du droit des brevets bien avant la visite de Bill Gates au Danemark.
Karin Riis Jørgensen (du parti Ventre), vice-présidente du groupe libéral au Parlement européen a la même attitude.
La semaine dernière, elle a participé à une réunion fermée de la Fondation européenne pour Internet — EIF : European Internet Foundation — où Bill Gates s’est exprimé. Selon Karin Riss Jørgensen le message du fondateur de Microsoft était aussi clair la semaine dernière que lors de sa rencontre avec le ministre danois en novembre. Plus précidément, Microsoft va interrompre ses investissements dans les pays européens s’il n’est pas possible de faire breveter les logiciels.
Commentaires de la FFII / Analyses
Ce n’est pas la première menace du genre, mais c’est une dynamique peu commune pour Microsoft. Jusqu’ici Microsoft a laissé ce rôle aux grandes sociétés européennes, en bien meilleure position pour exercer une telle pression :
– 1er janvier 2005, selon le journal polonais Gazeta Wyborcza : Siemens, Nokia, Philips, Ericsson et Alcatel écrivent une lettre au premier ministre polonais (résumé en anglais) ;
– 7 novembre 2003, Siemens, Nokia, Philips, Ericsson et Alcatel écrivent au Président du Conseil italien faisant entendre qu’ils supprimeront des emplois de R&D en Europe si les limitations du Parlement sur la brevetabilité sont acceptées. Des lettres similaires ont été écrites par le même groupe d’entreprise au niveau national en Suède, en Allemagne et ailleurs ;
– entre 2000 et 2001, les avocats des brevets d’IBM ont dit lors d’entretiens avec le gouvernement français qu’ils déplaceraient des centres de R&D hors de la France si la France persistait à s’opposer au projet de directive de la Commission. Des menaces similaires ont été proférées récemment aux Pays-Bas par des représentants de Philips.
Microsoft avait, par contraste, plus ou moins gardé un profil bas sur les brevets. Ils en ont parlé essentiellement par procuration via CompTIA ou la BSA.
Le président de la FFII, Hartmut Pilch explique :
Personne, ayant une quelconque connaissance dans le marché du logiciel, ne croit à la fermeture de Navision par Microsoft à cause de la politique européennes des brevets. Microsoft a besoin de Navision pour sa stratégie d’expansion de son monopole mondial sur le marché des entreprises de Planifications de Ressource, dans lequel les compagnies européennes ont été les leaders mondiaux pendant des décennies sans ces brevets.
Plus encore, ces brevets sont utilisés là où les produits sont vendus, pas là où ils sont developpés. Pourtant certaines grandes compagnies, dont le modèle d’affaires est basé plus sur les brevets que sur le logiciel, ont essayé de faire pression auprès des gouvernements en créant des liens inexistants entre la politique des brevets et leur investissement dans une région particulière. C’est un chantage au sens le plus strict du terme. Qui, en Allemagne, pourrait même être punissable selon le paragraphe 105 de la loi Pénale de 1 à 10 ans d’emprisonnement.
L’actuel accord du Conseil sur les brevets logiciels est en grande partie dû à ce genre d’activité semi-légale des despotiques sociétés de brevet.
L’article suivant, paru au moment où Philips faisait ce même genre de menaces au gouverment hollandais, témoigne de leur crédibilité :
– 12 février 2004 la Chine Quotidienne : Encaissement des profits sur l’essor de la recherche (Philips projette de transférer davantage de postes qualifiés en Chine, mais laissera quelques mandataires des brevets en Europe, qui traiteront les demandes de brevet provenant de Philips Changhaï).
Démentis officiels de Microsoft / Navision
– 15 décembre 2004, Microsoft nie le chantage aux brevets logiciels en Europe : « le vice-président européen des solutions Microsoft, Klaus Holse Andersen, a nié mardi que des postes chez Navision aient jamais été en danger. “non, ce n’est pas ce qui a été dit lors de la réunion”, a déclaré Andersen sur ZDNet. “Nous n’avons aucun projet de fermeture du site.” »
– 15 décembre 2004 ZDNET UK : Microsoft nie les accusations de chantage « “Il y a eu une discussion générale sur les brevets et ça a continué dans pas mal de bureaux”, a dit Andersen. “Nous sommes vraiment pour le droit des brevets. Comment Børsen aurait pu faire le lien avec le site de Vedbaek, je ne sais pas” ... “Je viens d’appeler les Sociaux-Démocrates”, a dit Andersen. “C’est malheureux qu’ils aient envoyé le communiqué de presse avant d’avoir parlé à Microsoft.” »
Ainsi, Microsoft DK (Navision) n’explique pas comment le malentendu a surgi.
Alors qu’il est sûr de supposer que Gates n’a jamais réellement prévu de suspendre le destin de Navision à la législation européenne des brevets, la citation de Gates provient de Microsoft DK, et Andersen ne le nie pas. Microsoft DK (par l’avocat-conseil juridique en chef Marianne Wier de Navision) a porté la nouvelle à Børsen.
Cela a d’ailleurs été confirmé par le rapport d’un groupe d’industries danoises, avec l’intention apparente de distiller la peur, l’incertitude et la méfiance (FUD) sur un auditoire plus large, comme quoi des postes pourraient être en mis en danger si les brevets logiciels n’étaient pas légalisés en Europe. Une tactique de ce genre n’est pas vraiment inhabituelle de la part de Microsoft
Selon De.Internet.com Andersen de Microsoft a confirmé que les brevets logiciels étaient un thème de la réunion avec Rasmussen, en niant toutefois sa tentative de chantage sur Navision.
Réponses danoises
Le premier ministre danois a nié les allégations d’une menace de Bill Gates : « il ne l’a fait dans aucune de nos réunions. Je ne peux pas confirmer cette interprétation, pas du tout. Nous n’avons pas abordé ce sujet. Non. »
Cependant Andersen (Microsoft Danemark) a confirmé, selon un rapport de de.internet.com, que la question des brevets logiciels avait été un thème de la réunion en novembre.
Les menaces alléguées de Bill Gates ont été critiquées par :
– les Sociaux-Démocrates : le récit en danois, traduction anglaise du communiqué ;
– l’union des professionnels de l’informatique PROSA : le récit en danois,
communiqué danois ;
– association danoise de consommateurs du numérique : le récit en danois, traduction anglaise de certaines citations.
Commentaires}
15 décembre 2004 Alberto Barrionuevo :
Microsoft a des antécédents dans ses tentatives de chantage aux gouvernements. Le PDG de Microsoft au Brésil, Emílio Umeoka, mi-2004 en a déjà fait preuve contre le président de l’Institut National brésilien des Technologies de l’Information, da Silveira de Sérgio Amadeu. Microsoft a attaqué Sérgio Amadeu pour faire pression sur le gouvernement brésilien, mais quelques semaines plus tard ils se sont retirés quand ils ont compris que le gouvernement brésilien dans son ensemble soutenait Sérgio et était contre cette intimidation de Microsoft.
– juin 2004 Consciencia Brazil : Microsoft (BR) ;
– juin 2004 Estadao : Microsoft mène en Justice les défenseurs des logiciels libres au gouvernement (BR) ;
– 24 juin 2004 LWN.net : Une attaque juridique au Brézil (US) ;
– 19 juin 2004 commentaires personnels de Simon Phipps’s (US).
Liens
– Récit original du Børsen ;
– Récit du Copenhagen Post ;
– Démenti du 1er ministre danois ;
– Récit à propos des Sociaux Démocrates danois et de l’union des professionnels de l’informatique PROSA ;
– Traduction anglaise du communiqué du parti Social-Démocrate danois ;
– Rapport PROSA ;
– Récit danois à propos de l’association danoise de consommateurs du numérique ;
– Traduction anglaise de certaines citations de l’association danoise de consommateurs du numérique ;
– Informations sur le Danemark ;
– Informations sur Marianne Wier ;
– Fondation européenne pour Internet — EIF : European Internet Foundation.
Traduction préliminaire de l’accroche de l’article
Gates menace Fogh [Premier ministre danois] d’une fermeture de Navision
Le fondateur de la plus grande entreprise de logiciels au monde,
Bill Gates, est maintenant prêt à fermer Navision au Danemark et à
rapatrier les presque 800 développeurs de la plus grande compagnie de
logiciel du Danemark vers les États-Unis.Ceci a été fermement annoncé lors de sa rencontre avec le premier
ministre, Anders Fogh Rasmussen (V) [V = parti libéral], en novembre
2004, ainsi qu’au ministre de l’économie et de
l’industrie, Bendt Bendtsen (K) [K = conservateurs], et au ministre des
sciences, Helge Sander (V).La menace pourrait devenir réalité, si une partie de l’industrie des technologies de l’information réussissait à bloquer la directive controversée de l’Union européenne sur les brevets logiciels que Microsoft [plus que n’importe qui au monde] voudrait voir approuvée, mais qui a été maintes et maintes fois retardée grâce à l’incitation très efficace de ses adversaires.
« Si je dois maintenir mon centre de développement au Danemark, c’est à condition que cette question de droits soit résolue. Sinon, je le déplacerai aux États-Unis où je peux protéger mes droits », a déclaré Bill Gates, selon l’avocat-conseil juridique en chef de Microsoft, Marianne Wier, qui a également participé à cette réunion avec Anders Fogh Rasmussen.
Bill Gates a acheté le département de développement danois, basé sur la fusion des deux compagnies Navision et Damgaard, pour presque 12 milliards DKK de fonds en 2002.
Il n’a pas été possible de joindre le premier ministre Anders Fogh Rasmussen pour qu’il s’explique sur la façon dont il a réagi à la dureté du message de Bill Gates.
Traduction de l’annonce en anglais de l’article
http://www.borsen.dk/english/dailyn...
Gates menace de déplacer Navision
La débâcle dans les négociations sur le brevet logiciel dans l’Union européenne menace le futur de Navision au Danemark. Bill Gates, le puissant PDG de Microsoft, qui possède Navision, a déjà déclaré en termes clairs à l’automne dernier au premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, au ministre des affaires économiques Bendt Bendtsen et au ministre des sciences et des technologies Helge Sander, qu’il déplacera Navision aux États-Unis en l’absence de la protection des brevets.
Les querelles internes à l’Union européenne constituent une menace sérieuse à la fierté de l’industrie danoise des technologies de l’information parce que l’UE ne peut pas fournir le brevet logiciel que veut Gates. En fait, les différents établissements de l’UE sont noyées dans les querelles entre les plus petites et les plus grandes entreprises informatiques. C’est « très préjudiciable et cela pourrait coûter des investissements » dit Catharina Dreyer de Dansk Industri.
Information supplémentaires
– Navision est un fournisseur de logiciel d’ERP (Enterprise resource planning), pas une entité de recherche. Il a été acheté pour 1,4
milliard de DKR, non pas pour accéder aux brevets de Navision mais pour accéder au marché des solutions d’entreprise de Navision. Navision a de très bonnes solutions d’ERP qui concurrence SAP. L’Allemand SAP a également très peu de brevets logiciels, bien qu’ils augmentent rapidement leur portefeuille. Sur le marché des ERP il n’y a presque pas de brevets logiciels. Tout le marché des ERP est dominé par des acteurs européens.
– Où sont donc les brevets logiciels de Navision Danemark ? Regardez 35 brevets logiciels suspectés d’avoir été accordés au Danemark. Avant d’acheter Navision, Microsoft citait le déjà comme une PME européenne de logiciels qui avait recours au brevets.
– Voyez aussi les résultats de Gauss-Bacon : brevets déposés par des danois, brevets déposés par des inventeurs résidant au Danemark, brevets européens accordés à Microsoft
– Depuis la fin du dix-neuvième siècle, tous les brevets sont accordés sans discrimination par rapport à la nationalité du demandeur. Ce qui veut dire que l’endroit où vos chercheurs sont localisés n’a aucun lien avec l’endroit où vous pouvez demander les brevets. Les chercheurs de Navision au Danemark peuvent faire breveter aux USA aussi bien que les chercheurs de Microsoft à Redmond. Ce que Microsoft craint, c’est qu’une Union européenne sans brevet logiciel serait trop concurrentielle pour que les USA puissent conserver leur système inopérant de brevets. Ainsi ils essayent d’imposer les brevets logiciels en Europe pour pouvoir contrôler le marché de l’Union européenne. Heureusement, la plupart des emplois dans l’informatique ne sont pas dans les grandes entreprises, mais beaucoup dans les PME ou dans des équipes de développement et des services informatiques internes, qui fourniront à l’Europe la flexibilité et l’innovation dont elle a besoin pour être globalement concurrente, dans le logiciel comme dans tout autre marché.
– Les auteurs du texte de Borsen sont Johan Christensen et Jonas Torp.
Voir en ligne : Communiqué en anglais