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Lettre au Conseil : que s’est-il passé lundi ?
jeudi 10 mars 2005, par ,
10 Mars 2005 — La FFII interroge le Service juridique du Conseil. Dans son communiqué de presse de ce lundi 7 mars 2005, la Présidence luxembourgeoise du Conseil déclare avoir adopté une position commune soutenue par une majorité qualifiée. Il semble d’une part que ladite majorité n’existe pas, et, d’autre part, que de multiples violations du règlement intérieur du Conseil aient eu lieu. Le Conseil devrait au moins s’expliquer sur la manière dont il interprète, au regard de son règlement intérieur, les évènements de la séance de lundi, ainsi qu’expliquer quel est exactement ce « Conseil » qui a refusé la requête pour un point B, et à quel stade une hypothétique procédure d’opposition contre le point A a subitement cessé d’exister...
Lettre
Le lundi 7 mars 2005, le Conseil a prétendu être parvenu à une Position Commune sur la très controversée directive relatives aux inventions mises en oeuvre par ordinateur. Plusieurs Parlements nationaux avaient, en effet, donné aux représentants de leurs gouvernements respectifs ordre de s’opposer au texte provisoire présenté à cette occasion. De surcroit, de nombreux gouvernements ne semblaient pas satisfaits du texte présenté, et ont joint des déclarations unilatérales au compromis réputé atteint. Quelques gouvernements ont même demandé la ré-ouverture de discussions. Enfin, les enregistrements sonores et audiovisuels publiquement disponibles laissent à penser que le vote du point A concernant les inventions mises en oeuvre par ordinateur n’a tout simplement jamais eu lieu.
Ainsi, nous aimerions avoir une réponse aux questions suivantes :
Q1 : L’ordre du jour de ce conseil a-t-il été envoyé aux membres du Conseil moins de 14 jours avant la réunion du 07/03/2005 (au sens de l’article 3-1 ?
Q2 : Si le point A relatif aux inventions mise en oeuvre par ordinateur n’était pas inscrit à l’ordre du jour expédié au moins 14 jours avant la date de réunion de ce conseil, une simple demande d’un seul Etat membre ne suffisait-elle pas à le faire retirer de la liste des points A ?
Q3 : À quelle date la Présidence luxembourgeoise du Conseil a-t-elle adressé une correspondance annonçant l’ajout de ce point au conseil du 7 mars 2005 ? A quelle date les autres membres du Conseil l’ont-ils reçue ?
Q4 : Q4 : (a) La Bulgarie et la Roumanie ont-elles bel et bien disposé de 7 jours pour étudier cette importante directive ? (b) Si, comme cela nous l’a été affirmé, tel n’a pas été le cas, quelles raisons urgentes ont-elles incité la Présidence du Conseil à réduire le délai qui leur était consenti pour l’étudier ? (c) Ces états membres ont-ils eux-mêmes accepté de réduire ce délai ?
Q5 : La commission aux affaires européennes du Parlement danois a contraint le ministre danois à déposer une requête pour un point B conformément aux dispositions de l’article 3(8). La Présidence du Conseil, dans sa première allocution, déclare que le Danemark, ainsi que la Pologne et le Portugal ont effectivement déposé une requête pour un point B, mais que cette requête n’était pas acceptable. Est-il alors juste de considérer que le Danemark a bel et bien déposé une requête pour un point B, comme le lui avait demandé son parlement ?
Q6 : Le fait de demander le passage en point B ne sous-entend-il pas une requête du retrait du point A correspondant ?
Q7 : L’article 3-8 du Règlement intérieur du Conseil précise que « si une position relative à un point A appelle une discussion », le point A doit être supprimé de l’ordre du jour. Est-ce que le fait que trois états membres désirent réouvrir les discussions n’est pas une indication que certaines positions « doivent » conduire à de nouvelles discussions ? Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous donner un exemple qui pourrait remplir ces conditions décrites dans le règlement ?
Q8 : Seul « le Conseil » peut décider qu’une requête visant à retirer un point A de la liste des points A ou de le transformer en un point B n’est pas admissible. Que désigne exactement le terme de « Conseil » dans ce cas précis ?
Q9 : En supposant qu’un vote ait lieu sur une telle question, quelles sont les règles de majorité applicables ?
Q10 : Si une procédure correspondant à un tel vote était initiée, sur quelle question les membres du Conseil auraient-ils eu à se prononcer ?
Q11 : La Présidence du Conseil fait référence à elle même sous la dénomintation de « le Conseil » en parlant du rejet de la requête danoise pour un point B. (a) La Présidence sous-entend-elle ici que la référence au terme « le Conseil » employé par l’article 3 du règlement intérieur fait référence à la Présidence du Conseil et à elle seulement, ceci impliquant que la Présidence peut décider seule du rejet d’une requête pour un point B ? (b) Si tel est bien le cas, à quelle règle fait référence une telle interprétation ?
Q12 : Concernant l’hypothèse de rouverture des discussions, la Présidence déclare qu’elle ne peut pas rouvrir les discussions en évoquant l’existence de raisons institutionnelles. (a) Pourriez-vous nous indiquer quels textes de procédure permettent d’affirmer que de telles discussions ne peuvent pas être ré-ouvertes. (b) A supposer qu’il n’existe aucune règle de procédure à ce sujet, comment une telle affirmation peut-elle être justifiée ?
Q13 : (a) Si la Présidence seule ne peut rejeter une damande de point B, comment une majorité du Conseil a bien pu voter contre la suppression du point A de l’ordre du jour ? (b) Article 8(1)(b) Les états qui expriment un vote doivent être « indiqués par des moyens visuels », mais aucune telle indication n’est visible sur la video publique. L’ont-ils oublié, ou bien aucun vote n’a été demandé ? (c) Si aucun vote n’a été demandé, comment ce la est-il compatible avec le règlement intérieur du
Conseil ?
Q14 : Vers la fin de la session, la Présidence demande si tout le monde est bien d’accord sur les « autres » points A. Cela signifie-t-il que la point A relatif aux inventions mises en oeuvre par ordinateur avait déjà fait l’objet d’un vote ? Si oui, à quel moment ce vote là a-t-il eu lieu ?
Q15 : Certaines parties de la session ne sont pas publiques, comme par exemple le discours du Ministre Brinkhorst. Pourquoi ? Dans l’enregistrement de la traduction simultanée en Anglais, nous pouvons entendre « Coupez-moi » de la part d’un membre du Conseil. Est-ce conforme au Code de Procédure du Conseil de couper un microphone de sorte que le public ne puisse entendre ce qui se dit dans une délibération publique ?
Q16 : La position commune peut-elle être adressée et présentée au Parlement Européen avant que les minutes du Conseil aient été signées ?
Q17 : Que se passera-t-il si un état membre ne signe pas lesdites minutes ?
Q18 : La Belgique et la France ont joint des déclarations unilatérales au texte sur lequel un accord politique avait été obtenu en mai, ce qui est en substance le même que celui à l’ordre du jour de lundi. Pourquoi ces déclarations n’ont pas été mentionnées lundi, et pourquoi ces déclarations n’ont pas été envoyées au Parlement européen ?
Q19 : Dans l’histoire du Conseil combien de directives autres que celle-ci ont été l’objet de plus de déclarations unilatérales jointes à l’accord formel du Conseil en première lecture ?
Q20 : Le ministre Verwilghen déclara devant le parlement belge qu’aucun pays n’avait demandé un passage en point B. (a) Pouvez-vous expliquer pourquoi la Présidence mentionne le dépot d’une requête de la part de trois pays dans son discours si personne n’a deposé de demande ? (b) Si ces pays ont réellement demandés en privé ou informellement à la Présidence, n’y a t-il pas opposition au principe qu’il s’agissait d’une « déclaration publique » ? (c) Combien de parties de la « délibération publique » n’ont pas été publiques, et à quel moment elle est devenue « une délibération non-publique » avec une courte vue d’ensemble à la fin ? (d) Est-ce pour le moins dans l’esprit du Code de Procédure du Conseil ?
Q21 : Le règlement intérieur du Conseil indique clairement que « le Conseil » peut refuser de retirer un point A de l’ordre du jour, ou de le requalifier en point B. Cela signifie que, du moment que le Conseil s’assure qu’il ne suscite pas, à propos de son texte d’accord politique, de motion de la part de 4 Parlements, et de déclarations de préoccupation de la part de 9 états membres (7 lundi dernier, 2 le 18 mai 2004), il y a peu de chances qu’une telle demande puisse émerger, et survive à un vote. Dans ces conditions, comment la Présidence du Conseil peut-elle justifier son refus d’une requête de point B pour des « raisons institutionnelles », et par la peur de créer un précédent qui pourrait conduire à retarder tout le travail futur du Conseil ?
Q22 : Des minutes complètes de la réunion du Conseil ont-elles été produites ? Si c’est le cas, sous quel format (audio, steno, ...), et le public peut-il avoir accès aux éléments de ces minutes qui correspondent aux délibérations publiques ?
Q23 : Comment un délégué peut-il exprimer son désir de prendre la parole dans un cas urgent, même si ce n’est pas son tour de parole, par exemple pour réagir face à un développement étonnant dans le déroulement de la réunion, alors que normalement il ne devrait pas être invité à prendre la parole à nouveau ? Y a-t-il des conditions dans lesquelles un délégué ne peut pas prendre la parole même s’il le souhaite ? Est-il possible pour la Présidence, ou pour quiconque, de couper le microphone d’un délégué, ou d’interrompre l’enregistrement et la diffusion publique dans de tels cas ? Dans quelles conditions un délégué pourrait-il alors être autorisé à s’adresser néanmoins au Conseil ?
Même si toutes les interprétations du règlement ont été faites avec les meilleures intentions, et peut-être même dans notre propre intérêt, même si nous ne comprenons pas en quoi, nous espérons que vous verrez que cette sorte d’interprétation créative des Règles n’encourage pas à avoir confiance dans le fonctionnement démocratique du Conseil. Tout semble se passer comme si toute la réunion du Conseil n’était qu’une représentration publique répétée par avance, comme si l’essentiel des « délibérations publiques » n’avait pas du tout eu lieu en public, comme si s’étaient établi des précédents encore pire que ceux que craignait le Conseil :
– Le Conseil parait faire passer la rapidité avec laquelle la législation entre en vigueur avant la qualité, alors même qu’il reconnait l’importance considérable de cette législation.
– Le Conseil a sous-entendu qu’un accord politique était toujours définitif « pour des raisons institutionnelles ». Pourtant, les parlements nationaux ne peuvent prendre connaissance du texte final qui fait l’objet d’un accord politique qu’après que cet accord ait été acquis, puisque le texte peut encore être modifié au cours de la réunion qui aboutit à cet accord (comme cela est arrivé en mai 2004). De ce fait, ils ne pourront jamais décider s’ils sont d’accord pour accepter une position commune adoptée par le Conseil.
Ce n’est pas parce que nous n’aimons pas le texte qui résulte de la première lecture du Conseil que nous vous adressons toutes ces questions de procédure. Nous aurions de beaucoup préféré que le Conseil émette un texte encore pire (si cela est possible), mais avec un soutien démocratique total, plutôt qu’un texte qui interdise clairement les brevets logiciels, mais fondé sur les procédures utilisées lundi. Il ne s’agit plus ici de brevets logiciels, mais de respect pour les fondements de la Démocratie européenne.
Avec nos salutations distinguées,
le bureau de la FFII
Merci à René Paul Mages et aux autres contributeurs pour la traduction.