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La décision concernant la directive sur les brevets logiciels est retirée de l’ordre du jour du Conseil sur l’agriculture à la demande de la Pologne

mardi 21 décembre 2004, par Gérald Sedrati-Dinet (gibus), Rene Paul Mages (ramix)

La directive sur les brevets logiciels est retirée de l’ordre du jour du Conseil sur l’agriculture. Le sous-secrétaire d’état polonais au ministère de la science et de l’informatisation, Wlodimierz Marcinski, l’a demandé fermement au début de la réunion. Le commissaire à l’agriculture a exprimé ses regrets mais le point A a été supprimé et ne sera pas adopté cette année.

L’histoire

La réunion était présidée par le ministre néerlandais de l’agriculture, Cees Veerman. Veerman a accepté l’intervention polonaise et a rejeté une tentative du commissaire de résister à cette intervention. Voir la transcription.

Peu de gens s’attendaient à voir apparaître le sous-secrétaire d’état polonais au ministère de la recherche et de l’informatisation, Wlodzimierz Marcinski. Ce dernier est venu en personne à Bruxelles pour présenter le point de vue de la Pologne, car les diplomates polonais de l’UE avaient été soumis à de fortes pressions de la part de la présidence néerlandaise. Les représentants polonais avaient nié plusieurs fois au cours de ces derniers mois que la Pologne s’opposait au texte, malgré l’opposition du ministère à Varsovie.

Après avoir été visé par une campagne de protestation, le ministre allemand de l’agriculture, Renate Künast, du parti Vert allemand, n’a pas assisté à la réunion. À sa place, un diplomate de la représentation allemande à Bruxelles a été envoyé avec comme instructions de refuser le texte. Cela montre au grand jour une division au sein du gouvernement. Pendant ce temps, le ministre allemand de la justice esquissait une probabable volonté de faire des concessions et de renégocier l’accord du Conseil. Son ministère a subi de fortes pressions de tous les groupes parlementaires au parlement et a essayé en vain d’appuyer l’accord aujoud’hui.

Ce qui va maintenant se passer n’est pas encore très clair. Avec de la chance, la présidence luxembourgeoise suivra une ligne moins dogmatique et permettra de reconsidérer le texte. Cependant, il n’est pas impossible que le texte d’aujourd’hui refasse à nouveau surface en tant que point A « consensuel » à un Conseil de l’agriculture en janvier ou au Conseil compétitivité en mars.

Communiqué de presse de la FFII UK

Mardi 21 décembre — La FFII félicite la décision courageuse de la Pologne de retirer de l’ordre du jour le point A adoptant la directive COM 2002/0047 (COD) sur la « brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur » (directive sur les brevets logiciels).

Le fait que des déclarations unilatérales exprimant les inquiétudes de plusieurs États membres aient été plus volumineuses que le texte même de la directive, n’a fait qu’accentuer le pitoyable manque de soutien à cette proposition de texte et l’absence de légitimité démocratique.

Les gouvernements nationaux ont été abusés en croyant qu’ils obtiendraient une directive qui n’autoriserait des brevets que pour des équipements techniques contrôlés par ordinateur. Au lieu de ça, la plupart des professionnels des brevets croyaient que le texte proposé aurait forcé les États membres à maintenir les extensions de la brevetabilité observées dans les pratiques actuelles de l’OEB — ainsi, selon les propos de l’avocat en brevets, Simon Davies, « toutes les inventions qui peuvent raisonablement être considérées comme appartenant au domaine de la science informatique, par exemple des procédures au niveau du système d’exploitation pour améliorer le fonctionnement d’un dispositif, ou des algorithmes génériques, des techniques et des fonctionnalités au niveau applicatif » seraient brevetables.

Même le gouvernement britanique, l’un des plus grands supporters de la proposition de texte, a admis que « la clarté ne viendrait que du premier cas qui irait devant une cour européenne ».

La FFII espère qu’inpiré par les événements d’aujourd’hui, le Conseil des ministres reviendra sur ses positions et révisera profondément le texte, pour expliciter ce qu’ils veulent et ne veulent pas voir brevetable. Cela devrait clairement être écrit dans la loi, pas laissé à l’appréciation des tribunaux.

Commentaires

 Jonas Maebe

Le soi-disant « accord » de mai a dégénéré en ce qu’on appelle en langage diplomatique un « arm twisting », une torsion de bras, qui consiste à exercer sur les pays hésitants des pressions adaptées, en appuyant là où cela fait mal, jusqu’à ce que l’impétrant revienne à de meilleurs sentiments, pour appuyer un texte dont il était devenu clair qu’il recueillait de moins en moins de soutien. Le ministre néerlandais Brinkhorst a mis toute la pression qu’il a pu, essyant de sauver la face et de soutenir l’insoutenable, tout cela pour n’aboutir qu’à une situation où il s’en sort moins bien que quiconque dans cette farce.

Au lieu de cela, il semble qu’il ait fallu que la Pologne dise « Arrêtez. Cet accord n’est pas encore prêt ».

Aujourd’hui, la Pologne a sauvé la démocratie européenne et a rendu un fier service à l’industrie informatique en Europe. Grâce à elle, la volonté des parlements nationaux néerlandais et allemands pourra être respectée dans un prochain vote. Les perdants d’aujourd’hui ne sont pas les partisans des brevets logiciels. Aujourd’hui, tout le monde a gagné, sauf ceux qui font tous ce qui est en leur pouvoir pour appuyer cet accord périmé.

 Jacob Hallén

Jacob Hallén, président du conseil de AB Strakt, une entreprise de logiciciels suédoise comptant une vigtaine d’employés, et vice-président de la FFII Suède, commente :

Je voudrais remercier les représentants polonais à la réunion du Conseil pour leur demande de retirer de l’ordre du jour le point A adoptant la directive COM 2002/0047 (COD) « Sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur » (directive sur les brevets logiciels).

Par son action avisée, la Pologne a renforcé la démocratie de l’Union européenne. Une tentative de passage en force d’une mauvaise directive bénéficiant d’un soutien très discutable a été déjouée. Nous avons maintenant une chance de mettre en place un processus aboutissant à une directive sur les brevets logiciels qui jouira d’un large soutien populaire et qui prendra en considération les opinions et les besoins tant des nouveaux que des anciens membres de l’union.

Merci également à la FFII pour son travail difficile et son refus courageux de se soumettre.

 Andre Rebentisch

Très bonne nouvelle. Cela voudrait dire que la présidence luxembourgeoise se chargera du dossier et que les parlements auront plus de temps.

Comme Hans Christian Andersen le décrivait :

« “Mais il n’a pas d’habit du tout !” cria un petit enfant dans la foule. “Grands dieux ! entendez, c’est la voix de l’innocence”, dit son père. Et chacun de chuchoter de l’un à l’autre : “Il n’a pas d’habit du tout ...” “Il n’a pas d’habit du tout !” cria à la fin le peuple entier. L’empereur frissonna, car il lui semblait bien que tout son peuple avait raison, mais il pensait en même temps qu’il fallait tenir bon jusqu’à la fin de la procession. Il se redressa encore plus fièrement, et les chambellans continuèrent à porter le manteau de cour et la traîne qui n’existait pas. »

C’était la situation dans laquelle se trouvait le Conseil après le 18 mai 2004. Il devait tenir bon jusqu’à la fin de la procession. Il est temps maintenant de franchir les étapes à suivre pour sortir de l’impasse du Conseil.

 Christian Beauprez

Christian Beauprez commente :

Le gouvernement polonais a montré la voie pour trouver un véritable compromis. Ils ont vu à travers le voile, les menaces illogiques d’une non-conformité aux ADPIC et une intense pression diplomatique, et ont déclaré que les programmes d’ordinateur, contrairement à ce que croivent les partisans des brevets, ne cessent pas d’être des programmes lorsqu’ils sont chargés sur un ordinateur. En agissant ainsi, ils ont redonné ses lettres de noblesse à l’écriture de logiciels (comme en fait le Bundestag allemand et la Tweede Kamer néerlandaise). La pologne a tracé une ligne et a renvoyé ce débat sur la directive où nopus n’avons cessé d’affirmer qu’il se situait : bannir les revendications sur du logiciel pur qui sont déloyales pour les auteurs , mais autoriser les inventions de génie, telles que les définissent la FFII et la tradition du droit des brevets ? Mais plus encore, ils ont amener la fraîcheur d’une démocratie de libre pensée dans ce qui n’était jusque là qu’un endroit très nauséabond.

Gérald Sédrati-Dinet

Gérald Sédrati-Dinet, vice-président et représentant de la FFII en France ajoute :

Le fait que ce soit le sous-secrétaire d’état polonais au ministère de la recherche et de l’informatisation qui ait exprimé la position de la Pologne sur le sujet, devrait inspirer d’autres gouvernements, tels que le gouvernement français, où le dossier était jusqu’ici entre les mains de personnes plus ou moins liées aux offices de brevets nationaux. La directive sur les brevets logiciels devrait être une question pour l’avenir et la croissance économique dans le domaine du logiciel et non dans le champ (de mines) des brevets. Après le retournement d’aujourd’hui, un nouveau texte devrait être rédigé qui puisse assurer la prospérité et l’indépendance informationelle en Europe.

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