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Dangers des brevets logiciels pour le logiciel libre

mercredi 12 janvier 2005, par Gérald Sédrati-Dinet (gibus)

Les brevets logiciels donneraient aux plus grands ennemis de GNU/Linux et du logiciel libre un énorme avantage anti-concurrentiel et rendraient les infrastructures européennes dépendantes de produits logiciels appartenant à quelques entreprises américaines.

Les brevets logiciels n’affectent pas exclusivement GNU/Linux et le logiciel libre mais ceux-ci sont particulièrement vulnérables. Le logiciel libre a énormément de succès dans des domaines où l’Office européen des brevets a déjà accordé de nombreux brevets (tels que les systèmes d’exploitation, les technologies de serveur et de réseau, les bases de données et les langages de programmation). Dans ces domaines, les leaders actuels du marché sont de grandes sociétés extra-européenne. Elles possèdent un nombre incroyable de brevets et pourraient les utiliser contre les logiciels libres afin de défendre leurs monopoles et oligopoles. (« Oligopole » signifie que le marché appartient à une minorité privilégiée).

L’administration de la ville de Munich a été largement incomprise lorsqu’elle a temporairement mis son projet de migration GNU/Linux en attente. Leur appréhension concernant GNU/Linux et les brevets logiciels ne portait pas en premier lieu sur les brevets logiciels européens existants. Ceux-ci ont juste servi d’indice montrant que la pratique d’octroi par l’Office européen des brevets constituait un danger pour GNU/Linux jusqu’à ce que les décideurs politiques rejettent efficacement les brevets logiciels. Le vrai souci pour le chef du service informatique de Munich était aussi bien à moyen terme qu’à long terme. Il craignait que certaines entreprises abusent des brevets afin d’entraver la capacité des développeurs de logiciels libres d’être innovateurs et compétitifs.

Les brevets logiciels créent des emplois de travail à Redmond mais pas à Munich.
Der Spiegel (Périodique hebdomadaire)

Il est remarquable que Microsoft mentionne souvent les brevets en rapport étroit avec le défi concurrentiel des logiciels libres. Rien qu’en 2004, Microsoft a prévu de déposer approximativement 3 000 demandes de brevets dans le monde, dont plusieurs en Europe. En juillet 2004, NewsForge.com a publié un mémorandum d’un cadre supérieur de Hewlett-Packard, un des plus importants constructeurs d’ordinateurs. Le courriel en question prévoyait que Microsoft « utiliserait le système judiciaire pour arrêter le logiciel libre » mais attendrait d’abord le résultat de la procédure législative de l’Union européenne concernant les brevets logiciels. Ces conjectures ont été basées sur la négociation de licences croisées de brevets que le cadre de HP avait eues avec Microsoft et certaines des clauses de cet arrangement.

Le logiciel libre représente une occasion historique que l’Union Européenne devrait saisir et non la sacrifier aux intérêts de la « mafia des brevets » et des lobbyistes des grandes sociétés. Pendent longtemps l’Europe était dépendante de produits logiciels en provenance de l’extérieur de l’UE pour la plupart de ses infrastructures informatiques. Maintenant que GNU/Linux et les autres logiciels libres ont prouvé leurs efficacité en satisfaisant même les exigences les plus élevées des entreprises et des gouvernements, l’Europe a le choix. Les entreprises américaines jouent un rôle capital pour le logiciel libre mais l’Europe est relativement vigoureuse dans ce domaine et les utilisateurs de logiciels libres sont moins dépendants d’un fournisseur particulier.

Contrairement à ce que « la mafia des brevets » et ses amis politiques prétendent, les projets libres ont déjà vécu les premiers assauts des brevets. Des menaces judiciaires ont déjà forcé les développeurs de logiciels libres à s’abstenir d’offrir certaines fonctionnalités. Dans le Wall Street Journal, Microsoft confirme avoir contacté environs 100 entreprises informatiques dans le cadre d’une initiative de « concession de licences de brevet illimitée » et parmi elles, des entreprises de logiciels libres.

L’extension du droit sur les brevets au domaine du logiciel représente une menace fondamentale pour le développement du modèle libre. Kiel Institute for World Economics

Son succès est la raison principale pour laquelle les brevets sont une menace pour les logiciels libres.Puisqu’ils sont disponibles sans frais (sous certaines conditions), les logiciels libres sont des concurrents féroces pour les entreprises informatiques traditionnelles. Ils prennent des parts de marché et font baisser les prix. Par exemple, le succès d’OpenOffice a forcé Microsoft à baisser le prix de son produit Office en Thaïlande jusqu’à environ 30 euros. À ce prix là, on ne peut même pas acheter un livre sur MS-Office en Europe. Il serait naïf de penser que Microsoft ou toute autre grande entreprise ne se tournera pas vers des litiges de brevets si le logiciel libre continue à avoir un impact aussi dramatique sur leurs affaires.

Ainsi d’une certaine façon, la décision de l’Union européenne de légaliser ou pas les brevets logiciels est également un choix entre Microsoft et GNU/Linux. Les brevets logiciels sont anti-concurrentiels, c’est la raison pour laquelle leur ratification réduirait à l’absurdité les démarches anti-trust de l’Union européenne contre Microsoft. Microsoft est une entreprise incroyablement puissante employant des nombreuses personnes talentueuses. Il est très sain pour Microsoft de faire face à la concurrence engendrée par le logiciel libre. C’est le meilleur moyen de s’assurer que Microsoft sortira toujours des logiciels de haute qualité à des prix d’un niveau raisonnables. Par son impact compétitif, GNU/Linux fait du bien aux utilisateurs de Windows. L’Union européenne ne devrait pas exclure Microsoft de cette compétition par une législation sur les brevets mal conçue.