Accueil > brevets-logiciels > Les quatre principaux problèmes avec la proposition du Conseil
Les quatre principaux problèmes avec la proposition du Conseil
samedi 15 mai 2004, par ,
Les quatre principaux problèmes avec la proposition du Conseil, 12 mai 2004 Jonas Maebe Porte Parole FFII, Belgique, jonas.maebe@elis.ugent.be version originale, traduction 15 mai 2004, Gérald Sédrati-Dinet, vice-président FFII, France, gibus@ffii.fr
Article original de Jonas Maebe
http://www.elis.ugent.be/~jmaebe/swpat/councilanalysis/paper-en.pdf
Revendication de programmes
– Articles/considérants correspondants
Article 5.2
Une revendication pour un programme d’ordinateur, seul ou sur support, n’est autorisée que si ce programme, lorsqu’il est chargé et exécuté dans un ordinateur, un réseau informatique programmé ou un autre appareil programmable, met en œuvre un produit ou un procédé revendiqué dans la même demande de brevet, conformément au paragraphe 1.
– Introduction
Les deux parties les plus importantes dans un brevet sont la description et les revendications. La description décrit (!) simplement l’invention que vous pensez avoir faite. Si cette invention décrite passe tout les tests de brevetabilité, vous pouvez obtenir un certain nombre de monopoles. Ces monopoles sont décrit dans les revendications (ainsi « revendication » = « monopole »).
Ces revendications doivent se baser sur votre invention mais peuvent être plus étendues, plus génériques que l’invention elle-même (sinon quelqu’un pourrait contourner votre monopole en changeant un petit détail de votre invention). En ce qui concerne les revendications de programmes, ceci permet aux gens d’obtenir, entre autres, des classes de programmes d’ordinateur. C’est même encore vrai si l’on s’assure que les programmes d’ordinateurs ne peuvent être conformes aux tests de brevetabilité.
– Les revendications de programmes autorisent par définition les brevets logiciels
Si l’on récrit l’article 5.2 de la proposition du conseil sans la double négation, on obtient :
Une revendication pour un programme d’ordinateur seul est autorisée si ce programme, lorsqu’il est exécuté dans un ordinateur, met en œuvre un produit ou un procédé revendiqué ailleurs dans le même brevet.
Un exemple concret : imaginez que vous ayez inventé une nouvelle réaction chimique en mélangeant un élément A et un élément B, puis en attendant 5 minutes avant d’ajouter un élément C. Si les revendications de programmes sont autorisées, alors en vous appuyant sur cette invention (réelle), vous pouvez demander un monopole sur « un programme d’ordinateur qui mélange deux choses, attends un peu et ajoute une autre chose » (« un peu » au lieu de « 5 minutes » car, comme mentionné ci-dessus, les revendications peuvent toujours être plus générales que l’invention elle-même).
La raison en est qu’un programme d’ordinateur ne sait rien des substances chimiques : un programme d’ordinateur, qui est utilisé pour contrôler la machinerie employée pour réaliser la réaction chimique, peut très bien être utilisé tel quel dans une machine à fabriquer le pain et travailler alors sur de la farine, de l’eau et du levain au lieu des éléments A, B et C. Dans une aciérie, il pourrait s’occuper de minerai, de charbon et d’eau...
Ceci est dû au fait qu’un programme d’ordinateur ne peut travailler en interne que sur des nombres. Ce que ces nombres représentent, d’autres s’en soucient. Un monopole sur un « programme d’ordinateur seul » autorise cependant l’inventeur à écarter ces « autres », ce qui signifie qu’il ne vous reste que des monopolisations de quelques calculs sur un ordinateur. Même l’exécution d’un tel programme sur un ordinateur, sans aucun équipement externe, sera considérée comme une infraction à une telle revendication de programme.
En tant que telles, les revendications de programmes permettent des monopoles de brevets sur des principes et des méthodes génériques exécutés sur des ordinateurs, même si vous vous assurez que les programmes d’ordinateurs eux-mêmes ne peuvent jamais remplir les conditions pour la brevetabilité. Remarquez bien qu’il ne s’agit pas seulement d’un monopole sur le programme, tel qu’écrit par le détenteur du brevet (qui est couvert par le droit d’auteur), c’est un monopole sur tous les programmes réalisant les étapes revendiquées (quelque soit la manière dont ils sont écrits).
– Les revendications de programmes n’interdisent pas seulement l’utilisation, mais également la publication
Ceci provient du même article 5.2 :
Une revendication pour un programme d’ordinateur, seul ou sur support, [est autorisée si...]
Cela signifie que vous avez reçu un monopole sur un programme d’ordinateur (seul ou sur support). Lorsqu’un programme d’ordinateur est par exemple mis sur un site web, il est alors présent sur un support (magnétique) chez l’hébergeur internet. En fait, un programme d’ordinateur est toujours présent sur un support, vous ne pouvez pas stocker un programme d’ordinateur sur « rien du tout » (et même si c’était le cas, le fait est que le le monopole est également accordé sur le programme d’ordinateur « seul »).
La conséquence de ceci est que la simple publication d’un tel programme constitue une infraction au brevet, au lieu que ce ne soit le cas que pour son utilisation : après tout, vous avez placé le programme sur un support et autorisé sa distribution, alors que le détenteur du brevet possède un monopole sur cette action et ce type de programme.
Cela va également à l’encontre des principes de base des brevets. Après tout, l’intention présidant à la mise en place du système de brevets est précisément la publication de l’information, en promettant à l’inventeur un monopole sur l’utilisation de l’invention décrite dans cette information.
Les revendications de programmes accordent cependant un monopole sur cette même information qui est censée être donnée au public, ce qui bloque le système tout entier. C’est la même chose que si lorsque quelqu’un brevètait un nouveau moteur, il obtenait également un monopole sur tous les manuels décrivant les mécanismes internes de ce moteur. Après tout, un programme d’ordinateur n’est rien d’autre qu’une description (mathématique) de quelque chose, dans un format compréhensible par un ordinateur.
Une conséquence pratique est qu’un hébergeur internet dont un client offre un programme (en infraction avec un brevet) à télécharger, peut être poursuivi sur la base d’une « complicité d’infraction » : après tout, il facilite la publication du programme, ce qui est interdit.
ADPIC
– Articles/considérants correspondants
En se basant, sur des soit-disant « incompatibilités avec les ADPIC », la proposition du Conseil rejette l’article 3 du Parlement européen (avec quelques autres) :
Les États membres veillent à ce que le traitement des données ne soit pas considéré comme un domaine technique au sens du droit des brevets et à ce que les innovations en matière de traitement des données ne constituent pas des inventions au sens du droit des brevets.
– Compatibilité de cet article avec les ADPIC
Cet article a été introduit précisement pour montrer que la directive telle qu’amendée par le Parlement européen ne contradisait pas l’Accord sur les ADPIC. La raison est que cet accord stipule à l’article 27 :
Un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.
Ce texte emploie explicitement des termes qui ne sont définis nulle part ailleurs dans l’accord (comme « invention », « domaine technologique » et « activité inventive »), de manière à ce que les membres signataires puissent définir ces termes eux-mêmes afin qu’ils s’adaptent le mieux possible à leurs propres lois déjà en place.
Selon l’article 52 de la Convention sur le brevet européen, un programme d’ordinateur ne peut jamais constituer une invention (ce qui est à nouveau répété dans le texte du Parlement) et cet article s’assure que les innovations dans les programmes d’ordinateur (= dans le traitement des données) ne puissent jamais appartenir à un domaine technique.
De cette façon, un programme d’ordinateur peut être exclu de la brevetabilité sans le moindre du monde rentrer en conflit avec l’accord sur les ADPIC.
– Les ADPIC interdisent explicitement les brevets logiciels
L’article 10 de l’Accord sur les ADPIC stipule :
Les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires en vertu de la Convention de Berne (1971).
Contrairement à ce qui pourrait être suggéré au premier abord, c’est-à-dire que cet article signifierait juste que la protection par le droit d’auteur doit être disponible pour un programme d’ordinateur, cet article va plus loin. L’OMC précise sur son site web à propos de l’article 10.1 que :
L’obligation de protéger les programmes d’ordinateur en tant qu’œuvres littéraires signifie notamment que seules les limitations autorisées pour les œuvres littéraires peuvent être appliquées aux programmes d’ordinateur.
Puisque la protection par le brevet n’est pas disponible pour les œuvres littéraires, elle ne devrait pas l’être non plus pour les programmes d’ordinateurs d’après les ADPIC. Les partisans des brevets logiciels répondent souvent à cela en sortant leur interprétation du terme « programmes d’ordinateur en tant que tels », qui transforme « programmes d’ordinateur avec un effet technique supplémentaire » en « inventions mises en œuvre par ordinateur », qui à leur tour ne devraient pas être affectées par cette exclusion.
Cette interprétation est cependant invalide à cause de l’article 4 de la directive de l’UE, datant de 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (91/250/CEE). Cet article stipule qu’un programme d’ordinateur, en tant qu’œuvre littéraire, comprends les dispositions suivantes :
... la reproduction permanente ou provisoire d’un programme d’ordinateur, en tout ou en partie, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit. Lorsque le chargement, l’affichage, le passage, la transmission ou le stockage...
Le (Traité de l’OMPI->http://www.wipo.int/clea/docs/fr/wo/wo033fr.htm] sur le Droit d’auteur contient également des dispositions qui peuvent s’appliquer (article 10) :
1) Les Parties contractantes peuvent prévoir, dans leur législation, d’assortir de limitations ou d’exceptions les droits conférés aux auteurs d’œuvres littéraires et artistiques en vertu du présent traité dans certains cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
2) En appliquant la Convention de Berne, les Parties contractantes doivent restreindre toutes limitations ou exceptions dont elles assortissent les droits prévus dans ladite convention à certains cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
Les brevets logiciels empêchent un auteur de logiciel d’exercer plusieurs de ses droits d’auteur (comme le « droit d’exploitation normale de l’œuvre », car un brevet logiciel peut l’empêcher de vendre son œuvre) et rentrent donc ainsi en conflit avec ce traité. L’article 1 de l’accord sur les ADPIC contient une formulation semblable.
Invention technique et concepts liés
– Articles/considérants correspondants
Le Conseil a rejeté l’article 3 du Parlement européen et a réinstauré l’article 2 de la commission parlementaire JURI. Les deux textes sont cités plus loin.
Les définitions données par le Parlement européen sont ici nécessaires pour s’assurer qu’un « logiciel exécuté sur un ordinateur » ne puisse pas rentrer dans la définition d’une « invention » et que les « méthodes mathématiques ou les méthodes d’affaire décrites dans un logiciel » ne puissent rentrer dans la définition d’une « contribution technique ».
Une rapide vue d’ensemble de la Convention sur le brevet européen
L’article 52(1) de cette convention établit les condiditions de la brevetabilité. Cette article stipule que « quelque chose » est brevetable si I) c’est une invention et si cette invention est II) nouvelle, III) implique une activité inventive et IV) si elle est susceptible d’application industrielle.
L’article ne définit pas ce qui consitue exactement une « invention » mais définit bien par contre dans l’article 52(2) plusieurs choses qui ne peuvent pas constituer une invention (et qui par conséquent ne peuvent être brevetables, même si elles remplissent toutes les autres conditions de brevetabilité). Parmi ces choses on trouve « les créations esthétiques », « les méthodes mathématiques », « les présentations d’informations » et les « programmes d’ordinateurs ».
Toutefois, l’article 52(3) remarque que ces exclusions ne sont pertinentes que dans la mesure où l’objet ou l’activité mentionné est considéré « en tant que tel ». L’Office européen des brevets (OEB) a décidé quelque part au milieu des années 80 qu’un « programme d’ordinateur exécuté par un ordinateur » n’était plus « un programme d’ordinateur en tant que tel », mais un procédé technique qui n’était donc pas exclu du champ de la brevetabilité.
De cette manière, ils essaient de rendre le droit des brevets applicable au seul emploi utile des programmes d’ordinateur (leur exécution par un ordinateur). Déclarer que cela signifie que les programmes d’ordinateur en tant que tels sont toujours exclus du champ de la brevetabilité, reviendrait à déclarer que les créations esthétiques seraient toujours exclues du champ de la brevetabilité si les brevets sur les styles de dessin étaient autorisés (car l’interaction entre un stylo et du papier est un procédé technique ou physique).
L’interprétation originelle était simplement que les programmes d’ordinateurs (éxécutés ou non par un ordinateur) ne pouvaient jamais constituer des inventions (indépendamment du fait qu’ils soient nouveaux et aussi inventifs soient-ils) mais en même temps qu’une invention parfaitement brevetable (comme une technique d’injection d’essence) ne pouvait devenir non brevetable du fait qu’elle ait besoin d’un ordinateur et d’un programme d’ordinateur pour être mise en œuvre.
C’est cette dernière interprétation que le Parlement européen a voulu confirmer alors que le Conseil veut codifier celle de l’OEB.
– La version du Conseil
Article 2 :
(a) « invention mise en œuvre par ordinateur » désigne toute invention dont l’exécution implique l’utilisation d’un ordinateur, d’un réseau informatique ou d’autre appareil programmable, l’invention présentant une ou plusieurs caractéristiques qui sont réalisées totalement ou en partie par un ou plusieurs programmes d’ordinateurs ;
(b) « contribution technique » désigne une contribution à l’état de l’art dans un domaine technique, qui n’est pas évidente pour une personne du métier. La contribution technique est évaluée en prenant en considération la différence entre l’état de l’art et l’objet de la revendication de brevet considéré dans son ensemble qui doit comprendre des caractéristiques techniques, qu’elles soient ou non accompagnées de caractéristiques non techniques.
Imaginez que vous vouliez breveter l’utilisation d’un moyen pour trier des nombres d’une manière nouvelle et rapide dans des programmes d’ordinateur.
Selon l’interprétation de l’OEB, un « programme d’ordinateur exécuté par un ordinateur » satisfait la définition d’une « invention mise en œuvre par ordinateur » de l’article 2a : c’est alors une « invention » dont « l’exécution » implique l’utilisation d’un ordinateur et dont toutes les caractéristiques sont réalisées par un « programme d’ordinateur ». Ainsi, votre programme de tri numérique satisfait bien cette définition.
Un « programme d’ordinateur en tant que tel » peut satisfaire la définition donnée par l’article 2b d’une « contribution technique », si un « domaine technique » n’est pas défini de manière appropriée, voire même pas du tout (comme c’est le cas dans la proposition du Conseil). Après tout, il peut alors être considéré comme une contribution dans un « domaine technique » (« l’informatique » ou quelque chose comme ça) et il est tout à fait possible que votre méthode de tri ne soit pas évidente.
Si l’on considère la seconde partie de l’article 2b, un énorme problème se pose lorsque l’on prend « l’objet de la revendication de brevet considéré dans son ensemble ». Le problème est qu’à moins que les revendications de programmes soient autorisées, les programmes d’ordinateur sont généralement monopolisés de la manière suivante :
un ordinateur avec une unité centrale de calcule et une mémoire, qui exécute les étapes suivantes : [description de ce que fait votre méthode]
Cela signifie que l’objet des revendications considéré dans son ensemble contient d’une part un ordinateur (générique et connu) et d’autre part votre (nouvelle) méthode incluse dans un programme d’ordinateur. La différence entre l’objet des revendications considéré dans son ensemble et « l’état de l’art » (ce qui est déjà connu) se borne juste à votre méthode (incluse dans un programme d’ordinateur). L’objet des revendications considéré dans son ensemble contient également des « caractéristiques techniques » (l’ordinateur) et l’article 2b est ainsi satisfait.
Conclusion : un « programme d’ordinateur exécuté sur un ordinateur » satisfait la définition d’une « invention mise en œuvre par ordinateur » et un « programme d’ordinateur contenant une nouvelle méthode (mathématique) » satisfait la définition d’une « contribution technique ».
Ensuite, il y a encore l’article 4, qui pose des conditions supplémentaires pour un programme d’ordinateur (la contribution technique) mais celui-ci peut remplir également toutes ces conditions. La raison est que l’OEB interprète actuellement le terme « technique » comme, entre autres, « ce qui accélère l’ordinateur », « ce qui apporte des bénéfices à grande échelle » (ce qui signifie également que les méthodes d’affaire mises en œuvre par ordinateur peuvent être « techniques »), le fait que « des données physiques » soient traitées (par exemple, une image),etc. De même, des choses comme « le nombre nécessaire de clics de souris » peut être une contribution technique.
Ces interprétations ne sont pas invalidées par la proposition du Conseil.
– La version du Parlement européen
L’article 2a selon la version du Parlement européen est :
« invention mise en œuvre par ordinateur » désigne toute invention au sens de la Convention sur le brevet européen dont l’exécution implique l’utilisation d’un ordinateur, d’un réseau informatique ou d’un autre appareil programmable et présentant dans sa mise en œuvre une ou plusieurs caractéristiques non techniques qui sont réalisées totalement ou en partie par un ou plusieurs programmes d’ordinateurs, en plus des caractéristiques techniques que toute invention doit apporter ;
Cette définition se résume à « une invention mise en œuvre par ordinateur est identique à toute autre invention mais requiert un ordinateur ou un programme d’ordinateur pour fonctionner ». Cela signifie que le Parlement exclut le logiciel (le logiciel n’est après tout pas une invention selon la Convention sur le brevet européen) mais en même temps s’assure que les inventions contrôlées par un ordinateur ne deviennent pas non brevetables.
Le facteur limitant dans cet amendement est la dernière clause « en plus des caractéristiques techniques que toute invention doit apporter ». Pourvu qu’une « caractéristique technique » soit définie de manière appropriée (ce qui est fait dans l’article 2c), ceci exclut également les « programmes d’ordinateurs exécutés par un ordinateur ».
L’article 2b est :
« contribution technique » , également appelée « invention », désigne une contribution à l’état de la technique dans un domaine technique. Le caractère technique de la contribution est une des quatre conditions de la brevetabilité. En outre, pour mériter un brevet, la contribution technique doit être nouvelle, non évidente et susceptible d’application industrielle. L’utilisation des forces de la nature afin de contrôler des effets physiques au delà de la représentation numérique des informations appartient à un domaine technique. Le traitement, la manipulation et les présentations d’informations n’appartiennent pas à un domaine technique, même si des appareils techniques sont utilisés pour les effectuer ;
« Contribution technique » est défini ici comme synonyme d’« invention » (ce qui est un changement par rapport aux pratiques actuelles de l’OEB et ce qui réhabilite ses pratiques précédentes). Le raisonement est que si vous inventez quelque chose, cette invention est votre contribution (technique) à la société.
La raison juridique est que l’OEB a séparé la « contribution technique » d’une « invention (mise en œuvre par ordinateur) » simplement pour rendre brevetables les programmes d’ordinateur. Après tout, comme nous l’avons montré précédemment, ceci vous permet d’employer le « logiciel exécuté par un ordinateur » pour éviter « l’exclusion du programme d’ordinateur en tant que tel » (si cette interprétation n’était pas invalidée par l’article 4 de la directive européenne sur la protection juridique des programmes d’ordinateur), et d’employer ensuite le programme d’ordinateur lui-même (sous forme de « contribution technique ») pour passer les autres tests de brevetabilité, tels que la nouveauté ou l’activité inventive.
De plus, le Parlement a également défini ici un « domaine technique » de manière à s’assurer que le logiciel n’en fasse pas partie (après tout, il s’agit de mathématiques pures, qui ne peuvent jamais constituer une utilisation des forces de la nature). Finalement, la dernière phrase exclut une fois de plus spécifiquement plusieurs fonctions des programmes d’ordinateur, sans pour autant exclure les ordinateurs eux-mêmes de la brevetabilité (les équipements techniques ne sont pas exclus non plus, seules les choses que le logiciel y exécute sont exclues).
Article 2c :
« domaine technique » désigne un domaine industriel d’application nécessitant l’utilisation de forces contrôlables de la nature pour obtenir des résultats prévisibles. « Technique » signifie « appartenant à un domaine technique » ;
Ces définitions d’un « domaine technique » et de « technique » sont extrêmement importantes car les définitions de ce qui est brevetable et de ce qui ne l’est pas dans le reste de la directive s’appuient sur celles-ci.
Article 2d :
« industrie », au sens du droit des brevets, signifie « production automatisée de biens matériels ».
Il s’agit d’un garde-fou supplémentaire. Actuellement, « application industrielle » est interprété par l’OEB comme « qui peut faire gagner de l’argent ». Cet amendement s’assure que les innovations dans le domaine bancaire (« l’industrie financière »), « l’industrie musicale », etc. sont déjà exclues. Le droit des brevets date du 15e siècle et n’a jamais été voulu pour la monopolisation de biens immatériels (il ne fonctionne d’ailleurs pas dans ce domaine, le droit d’auteur et certains droits sui generis s’appliquent mieux à ce genre de capitaux).
Interopérabilité
– Articles/considérants correspondants
L’article 6bis (9 après renumérotation) du Parlement est écarté par le Conseil :
Les États membres veillent à ce que, lorsque le recours à une technique brevetée est nécessaire à une fin significative, par exemple pour assurer la conversion des conventions utilisées dans deux systèmes informatiques ou des réseaux différents, de façon à permettre entre eux la communication et l’échange de données, ce recours ne soit pas considéré comme une contrefaçon de brevet.
– La version du Conseil
La proposition du Conseil veut garantir l’interopérabilité dans son considérant 17 :
Les dispositions de cette directive ne portent pas préjudice à l’application des articles 81 et 82 du traité, en particulier lorsqu’un fournisseur dominant refuse d’accorder l’utilisation d’une technique brevetée nécessaire à la seule fin d’assurer la convertion des conventions utilisées dans deux systèmes ou réseaux informatiques différents, de façon à permettre entre eux la communication et l’échange de données.
Cela signifie juste que les brevets ne doivent pas être employés pour violer les lois antitrust de l’UE.
Cela pose deux problèmes :
– Comme l’ont montré les récentes procédures de la Commission contre Microsoft, de telles procédures peuvent prendre des années et si Microsoft fait appel, cela prendra encore des années supplémentaires. Une PME qui est retardée par ceci aura fait banqueroute bien avant la conclusion de telles procédures. Ceci démontre clairement le besoin de règles de base qui contrecarrent a priori de telles tentatives d’abus.
– Un second problème est que le droit de propriété est actuellement encore assigné aux États membres. Les tribunaux européens ont décidé que par ananlogie ceci s’appliquait également à la « propriété intellectuelle ». Il existe de sévères restrictions sur la manière dont les procédures au niveau européen peuvent affecter des domaines encore réservés aux lois des États membres. Cela signifie que les autorités antitrust européennes doivent faire très attention à ce qu’elles font en matière de propriété intellectuelle, à moins qu’elle ne puissent prouver des implications directes sur un autre domaine dans lequel elle sont autorisées à agir. C’est la raison pour laquelle elles ont eu tant de problèmes dans l’affaire IMS et pourquoi elles ont été si prudentes dans l’affaire Microsoft.
– La version du Parlement européen
La proposition de la délégation luxembourgeoise au Conseil est équivalente à celle du Parlement (la formulation est quelque peu plus stricte, mais elle poursuit le même but). Puisqu’il s’agit d’une directive, l’article devrait être transposé dans les droits nationaux, il ne devrait donc pas y avoir de problème dans les différentes juridictions.
L’interopérabilité est si importante dans le monde des télécommunications et de l’informatique à cause des « effets de réseau », comme on les appelle : si nous ne voulons pas forcer quiconque à travailler avec exactement les mêmes programmes (par ex. Internet Explorer ou le navigateur web de Netscape) ou même avec les mêmes marques ou types d’équipements (PC ou téléphones portables), alors il devrait être possible pour tous ces équipements et programmes de communiquer les uns avec les autres et avec d’autres programmes et équipements, au sens large du terme.
De plus, également à cause de ces effets de réseau, les domaines du logiciel et de la communication ont d’ores et déjà, plus que dans d’autres branches, une tendance naturelle à la formation de monopoles ou de cartels. Une stimulation supplémentaire, en autorisant l’utilisation de brevets pour rendre encore plus difficile la compétition avec ces entreprises établies, n’est pas souhaitable.