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Brevets sur les stratégies fiscales

mardi 24 octobre 2006, par Gérald Sedrati-Dinet (gibus), Rene Paul Mages (ramix)

En octobre 2006, une série d’articles dans la presse états-unienne fait état d’inquiétudes concernant des brevets sur des stratégies fiscales. Les conseillers fiscaux américains commencent à percevoir le danger des brevets logiciels, en étant horrifiés par l’éventualité de brevets sur les stratégies fiscales. Ceux-ci sont considérés par leur partisans comme des brevets sur des méthodes commerciales (business methods). Il s’agit d’une illustration particulièrement accessible et parlante des dangers des brevets logiciels.

Chronologie et revue de presse

 20/10/2006 New-York Times : Vous ne pouvez pas utiliser cette astuce fiscale, elle est revetée. Cet article de Floyd Norris, n’est consultable que sur abonnement. Le blog de Public Knowledge, un groupe de Washington DC défendant les droits dans la culture numérique émergente, cite cet article sur son blog : Plus surnaturel que la fiction : les brevets sur las taxes.
 19/10/2006 Article de l’Intenational Herald Tribune : le droit des brevets devient fiscalement fou
 16/10/2006 IP Magazine, october 2006 : Un brevet allant trop loin ? À qui appartient le droit fiscal ?. Cet article du Legal Times, par Paul Devinsky, John Fuisz, et Thomas Sykes n’est consultable que sur abonnement. Les auteurs, trois avocats du cabinet McDermott, Will & Emery, s’y demandent si les brevets sont finalement allé trop loin. Ils s’interrogent sur le fait que si les bonnes vieilles méthodes d’affaire sont brevetées lorsqu’elles sont fraîchement transposées pour l’Internet, on pourrait revendiquer la propriété de méthodes pour respecter la loi. En effet une vague de brevets et de demandes pour des stratégies fiscales inquiète les avocats fiscalistes et peut-être aussi le Congrès. Ainsi, si une entreprise élabore une stratégie fiscale lui permettant d’économiser beaucoup d’argent et la brevète, elle peut ensuite refuser de concéder une license à ses concurrents, faisant ainsi grimper le coût des affaires de ses rivaux. Les brevets sur les taxes reviendraient ) un « fil de fer barbelé offert par le gouvernement » pour empêcher certains contribuables de bénéficier d’un traitement équitable sous le code fiscal. « Le fait que l’on réussisse à breveter des stratégies fiscales limite la capacité du Congrès à élaborer une législation modelant la politique économique et remettrait ce pouvoir entre les mains des détenteurs de brevets. »
 05/10/2006 Association des avocats américains (ABA : American Bar Association), section fiscale : une « task force » pour examiner la brevetabilité des stratégies fiscales : Les avocats fiscalistes devraient-ils breveter les consils prodigués à leurs clients ? Devraient-ils vérifier si leurs conseils violent un brevet existant ? Que deveiendraient les contribuables dans un monde où les stratégies fiscales qu’ils planifies pourraient être brevetées ?
 10/2006 Financial Advisor : Des brevets délirants ? : permettre à des firmes de breveter des stratégies fiscales peut signifier que vous et vos client devront payer la note.
 20/07/2006 L’USPTO se trompe avec les brevets sur les stratégies fiscales.
 13/07/2006 Auditions au Subcommittee on Select Revenue Measures of the House Committee on Ways and Means.
 08/02/2006 Journal officiel de l’OEB, page 149 : entrée en vigueur le 1er janvier 2006 de la 8e édition révisée de la Classification internationale des brevets (CIB) : « il en résulte la modification suivante au communiqué du Président de l’OEB, en date du 26 novembre 2001, relatif à la limitation de compétence de l’OEB agissant en qualité d’administration au titre du PCT (JO OEB 2002, 52 s.), limitation prolongée dans le domaine des méthodes commerciales par le Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 1er décembre 2004 (JO OEB 2005, 149) : Les "inventions relatives à des méthodes commerciales", visées au paragraphe 4 du communiqué susmentionné (ancienne classe de la CIB : G 06F17/60), relèvent désormais, conformément à la CIB8 (2006), des classes et sous-classes suivantes : G06Q : Systèmes ou méthodes de traitement de données, spécialement adaptés à des fins administratives, commerciales, financières, de gestion, de surveillance ou de prévision ; systèmes ou méthodes spécialement adaptés à des fins administratives, commerciales, financières, de gestion, de surveillance ou de prévision, non prévus ailleurs.

Brevets sur les stratégies fiscales et brevets logiciels

Les brevets sur les stratégies fiscales, sont considérés par leur partisans comme des brevets sur des méthodes commerciales (business methods). Il s’agit d’une illustration particulièrement accessible et parlante des dangers des brevets logiciels. Car ces "tax strategy patents" sont bel et bien des brevets logiciels.

Ces brevets se trouvent classés dans une catégorie spéciale à l’Office des brevets états-unien. La recherche à faire sur http://patft.uspto.gov/netahtml/PTO/search-adv.htm est :

ccl/705/36T

On pourra ainsi constater que les brevets mentionnés s’appuient bien sur du logiciel.

Un logiciel, mettant en oeuvre de manière informatisée des procédés intellectuels qui pourraient tout aussi bien se dérouler dans le cerveau humain, les brevets logiciels reviennent à laisser entrer dans la sphère de l’intelligence humaine des mécanismes de contrôle (i.e. les brevets) élaborés pour des objets concrets (cf. http://www.ffii.fr/brevets-logiciels-vs-connaissances ).

Situation en Europe

En Europe, il faudra chercher dans la catégorie G06Q40/00 (classification internationale des brevets, CIB). Mais attention cette catégorie est plus large, couvrant tout ce qui relève des méthodes intellectuelles concernant "la finance, p. ex. activités bancaires, traitement des placements ou des taxes ; ou l’assurance, p. ex. analyse des risques ou pensions". La quasi-totalité des demandes de brevets dans cette catégorie sont encore en cours d’examen à l’Office européen des brevets (OEB). On peut cependant voir que l’OEB (qui selon son président Alain Pompidou n’accorde pas de brevets sur des "pure softwares", ni sur des "business methods") en a déjà délivré 5 (cf. http://gauss.ffii.org/Search/Granted/Ecla/G06Q40) et rejeté 7 (http://gauss.ffii.org/Search/Rejected/Ecla/G06Q40) qui concernent bien la finance, mais pas les stratégies fiscales.