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Position-publique
dimanche 22 janvier 2006, par ,
Statutairement, les positions de la FFII France doivent respecter le but de défense des droits et libertés informationnels dont principalement :
– les droits des auteurs et des utilisateurs de logiciels selon les textes nationaux et internationaux ;
– la sécurité juridique des producteurs et des utilisateurs de logiciels, notamment par la lutte contre les brevets logiciels.
Est également concernée toute activité connexe.
Brevetabilité du logiciel
cf. Les candidats à la présidentielle et les brevets
Les sciences mathématiques, comme l’algorithmique ou l’informatique, n’ont pu progresser que par la confrontation de ces concepts de base, par leur combinaison et leur perfectionnement. Les innovations dans ces domaines sont dites incrémentales : chaque nouvelle innovation se base sur celles qui l’ont précédée. Et ceci n’a pu se faire que par la mise en commun des connaissances fondamentales pour qu’elles soient librement accessibles. Les breveter retirerait une connaissance du vivier commun. Et le brevet logiciel conduirait à ce niveau à une privatisation des connaissances mathématiques.
Parce que l’étendue d’applications potentielles des abstractions logicielles est incommensurable, les breveter reviendrait à empêcher une connaissance abstraite de pouvoir être librement mise en œuvre dans un domaine d’application pourtant totalement différent de l’espace concurrentiel pour lequel le brevet aurait été accordé. Par conséquent, le brevet logiciel conduirait sur ce plan à entraver la libre expression des idées et connaissances.
La libre circulation des idées, à travers le langage, permet de partager des connaissances communes et de créer en retour de nouvelles connaissances qui se doivent de rester communes. Les brevets logiciels, en contraignant cette libre circulation des connaissances constitueraient ainsi un véritable frein à l’innovation. Et autoriser la brevetabilité des logiciels reviendrait en l’espèce à laisser entrer dans la sphère de l’intelligence humaine des mécanismes de contrôle élaborés pour des objets concrets.
Le droit des brevets en Europe est régi par la Convention sur le brevet européen, rédigée à Munich en 1973, qui interdit à juste titre le brevetage de programmes d’ordinateur, tout comme sont exclues les découvertes, les théories scientifiques, les méthodes mathématiques ou les créations esthétiques. Dans le texte, les brevets y sont exclus pour les logiciels « en tant que tels », i.e. en tant que compositions d’objets mathématiques, en tant que spécialisations de connaissances abstraites et en tant qu’œuvres intellectuelles.
Cependant, contre la lettre et l’esprit de la loi, l’Office européen des brevets a accordé ces dernières années des dizaines de milliers de brevets sur des programmes d’ordinateur ou des méthodes intellectuelles, en détournant l’expression « en tant que tels », pour lui faire dire qu’il existerait une catégorie de logiciels qui ne seraient pas « en tant que tels », ce qui est bien évidemment absurde.
Les caractéristiques de non-rivalité et de non-exclusivité des logiciels en font des biens publics, au sens économique du terme. Il convient donc de ne pas maximiser les exceptions de monopoles sur le logiciel si l’on ne veut pas entraver le droit à la concurrence.
Et, compte tenu des implications sur la libre circulation des connaissances qu’entraînerait une brevetabilité du logiciel et étant donné sa nature abstraite et mathématique, le législateur se doit de confirmer que les concepts informatiques doivent rester librement accessibles, mais qu’au contraire ce sont les expressions de ces concepts qui doivent permettre à leurs auteurs de bénéficier d’une protection.
Dès lors, le droit du copyright s’avère parfaitement adapté aux logiciels, ce qui est corroboré par de nombreux accords juridiques internationaux : Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques ou la directive européenne 91/250/CEE, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.
Les écrits sous copyright ont permis aux pensées de s’exprimer, se confronter et s’enrichir. Il en va de même pour les idées informatiques.
Brevets logiciels et entreprises
cf. Brevets sur les stratégies fiscales
Certaines grandes sociétés veulent pouvoir limiter ou même écraser les petits concurrents comme bon leur semble. Dans le domaine du logiciel, même la plus petite entreprise peut potentiellement transformer une grande idée en un produit réussi parce que les besoins en capitaux sont relativement modérés. Les brevets logiciels vont forcer les petites entreprises à acquérir elles-mêmes des brevets coûteux et ce faisant à gonfler artificiellement les besoins en capitaux du développement de logiciels. Le plus grand problème est que les petites entreprises ne peuvent pas utiliser les brevets de manière efficace contre les grandes sociétés mais doivent toujours craindre qu’un concurrent plus important leur cause de sérieux ennuis à l’aide du système des brevets.
Les PME n’ont pas accès aux accords de licences croisées. Seules les grandes sociétés avec des milliers ou des dizaines de milliers de brevets sont en position de négocier des accords de licences croisées avec leur homologues. Le risque est grand que la majorité des parts de marché du logiciel appartienne finalement un petit cartel de superpuissances des brevets. Certaines grandes entreprises voudraient faire de la possession d’un énorme arsenal de brevets une exigence afin d’être compétitif sur le marché. Les PME n’ont aucune chance d’acquérir un jour des portefeuilles de brevets de cette taille-là. Le « volume critique » d’un portefeuille de brevets se compte en milliers. Vous devez en posséder assez pour que personne n’ait même plus envie d’y jeter un œil.
cf. Étude sur l’interaction entre la loi sur le droit d’auteur et le droit des brevets
La grande majorité des brevets déposés à l’OEB sont détenus par des entreprises extra-européennes. Ainsi, même les grandes entreprises européennes sont en position très largement défavorable pour conclure des accords de licences croisées. À moins de déposer des brevets logiciels de façon massive, les grandes entreprises européennes ont peu de chances d’obtenir un quelconque avantage par rapport à leurs homologues des États-Unis ou du Japon. De plus cela signifierait qu’elles devraient divertir drastiquement leurs investissements au détriment de leurs productions traditionnelles.
En Europe, ces grandes entreprises sont encore protégées des attaques des « racketteurs de brevets », puisque l’interdiction des brevets logiciels par le droit positif européen, rend inapplicables tous ceux acceptés, en dépit de la loi, par l’Office européen des brevets. Et pour la même raison, les entreprises européennes peuvent encore entrer dans une compétition loyale avec leurs concurrents internationaux, en se basant principalement sur leur capacité d’innovation et sur les atouts traditionnels du commerce, sans se préoccuper des moyens anti-concurrentiels que fournissent artificiellement les énormes portefeuilles de brevets logiciels des firmes états-uniennes ou japonaises.
Les grandes entreprises européennes auraient donc tout intérêt à se mobiliser pour que la législation de l’Union européenne interdise clairement les brevets sur les logiciels et les méthodes d’affaires.
Brevet communautaire
cf. http://a2e.de/ffii/06/01/16/eupat/
La consultation de la Commission européenne à propos de la future politique sur les brevets, relance la pression en faveur des brevets logiciels, sans qu’un débat ait lieu. Mais il n’y a pas non plus eu de débats par le passé.
Enfin, en 1999, 2000, il y a eu un débat. La Commission et l’OEB ont fait une proposition arguant que les brevets sur les logiciels et les méthodes d’affaires étaient nécessaires en Europe. Pour cette raison, le droit (la Convention sur le brevet européen, CBE) devait être modifié. Mais ils ont perdu le débat. Il s’agissait du 1er round dans la bataille des brevets logiciels en Europe.
Puis est arrivé le 2e round, avec le terme « inventions mises en œuvre par ordinateur » dans le titre d’une proposition de directive. Cette expression « inventions mises en œuvre par ordinateur » est un terme de propagande, destiné à éviter un débat. Quiconque utilise ce terme est implicitement d’accord pour que les raisonnements logiciels soit qualifiés d’inventions brevetables selon l’article 52 de la CBE. De cette manière, ils pensaient pouvoir l’emporter sans débats. Mais ils ont à nouveau échouer.
Arrive maintenant le 3e round. Il a débuté en juillet 2005, lorsque les partisans de la brevetabilité du logiciel se sont mis d’accord pour abandonner la directive et à la place faire pression pour le Brevet communautaire. Tout comme en novembre 2000, ils s’étaient accordés pour abandonner la révision de la CBE et à la place faire pression pour une directive jouant sur les mots.
Les plans pour le brevet communautaire ne mentionnent même pas le sujet des logiciels. Cependant, que l’on ne s’y trompe pas, la brevetabilité du logiciel est l’un des principaux moteurs dans ces plans.
Au lieu de directement imposer la brevetabilité du logiciel, leur proposition est maintenant de retirer encore plus le système des brevets de tout examen législatif par un parlement démocratiquement élu.
Ainsi dans les faits, le pouvoir de définir des règles est mis entre les mains de la justice et du cercle des administrateurs dirigeant l’Office européen des brevets et le groupe de travail sur la politique en matière de brevets du Conseil de l’UE. Il y a même des tentatives pour explicitement rendre contraignante la jurisprudence de l’OEB pour les nouvelles institutions du brevet de l’UE. Bien entendu, tout ceci se passe sans mentionner le terme « logiciel », ni « ordinateur », mais l’on comprend clairement quelle est la question sous-jacente.
Le Brevet communautaire a échoué depuis 25 ans, à cause de la résistance dans diverses factions du lobby des brevets lui-même. Si maintenant cette résistance peut être dépassée, il n’est pas besoin d’expliquer quelles sont les forces qui la dépasse.
L’Office européen des brevets (OEB) délivre environ 90% des revendications de brevets relatives aux logiciels qui sont accordées aux États-Unis. Les administrateurs de l’OEB ont fait pression pour cela par des décisions aventureuses qui ont fait date en 1986 et 1997. Et ils se sont fermement tenus à cette partie malheureuse de la jurisprudence qu’ils avaient eux-mêmes créée. Les cours nationales n’ont la plupart du temps pas eu l’occasion d’examiner cette jurisprudence. Et la plupart de celles qui l’ont fait l’ont plus ou moins désapprouvée et louvoient entre les exigences contradictoire de rester en ligne avec la jurisprudence de l’OEB et avec la loi écrite. Un tribunal de l’UE centralisé pourrait certes soulager de ce besoin de louvoyer. Mais alors les autorités nationales ne serait plus responsables de leur jurisprudence.
Demandes de la FFII pour clarifier la non-brevetabilité du logiciel
Ces demandes ont été traduites dans les 21 amendements inter-groupes déposés pour la seconde lecture au Parlement européen de la directive sur les brevets logiciels
Elles sont plus que jamais d’actualité puisqu’elle constituent un moyen, reconnu par tous les bords politiques, de tracer clairement une limite entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas. Toute législation concernant le brevet — et en particulier la directive sur le Brevet communautaire — s’avèrerait biaisée si elle s’appuyait sur une autre base — notamment les pratiques de l’OEB.
– 1. Définition d’« invention assistée par ordinateur »
Une « invention assistée par ordinateur »[, également appelée de manière inappropriée « invention mise en œuvre par ordinateur »,] est une invention au sens du droit des brevets dont l’exécution implique l’utilisation d’un appareil programmable.
– 2. Définition de « programme d’ordinateur »
Un « ordinateur » est une réalisation d’une machine abstraite composée d’entités telles que des entrées/sorties, un processeur, de la mémoire, de l’espace de stockage et des interfaces pour échanger avec des systèmes externes et des utilisateurs humains. Le « traitement de données » est du calcul sur des entités abstraites, éléments des ordinateurs. Un « programme d’ordinateur » est une solution à un problème au moyen d’un traitement de données, qui dès qu’il a été correctement décrit dans un langage approprié peut être exécuté par un ordinateur.
– 3. Objets des revendications de produit et de procédé
Une invention assistée par ordinateur peut être revendiquée en tant que produit, c’est-à-dire en tant qu’appareil programmé, ou en tant que procédé réalisé par un tel appareil.
– 4. Exclusion des revendications de programme
Une revendication de brevet pour un programme d’ordinateur, seul ou sur support, ne doit pas être autorisée.
– 5. Liberté de publication
La publication ou la distribution d’informations ne peut jamais constituer une contrefaçon de brevet.
– 6. Définition négative de « domaine technique »
Le traitement de données n’est pas un domaine technique.
– 7. Définition positive de « technique » et « domaine technique »
« Technologie » signifie « science naturelle appliquée ». Un domaine technique est une discipline des sciences appliquées dans laquelle une connaissance est acquise par expérimentation sur les forces contrôlables de la nature. « Technique » signifie « appartenant à un domaine technique ».
– 8. Définition négative de « contribution »
Une amélioration de l’efficacité d’un traitement de données ne constitue pas une contribution technique.
– 9. Définition positive de « contribution » et « invention »
Une « invention » est une contribution à l’état de l’art dans un domaine technique. La contribution est l’ensemble des caractéristiques par lesquelles l’objet de la revendication de brevet dans son ensemble est supposé différer de l’état de l’art antérieur. La contribution doit être de nature technique, i.e. elle doit comprendre des caractéristiques techniques et appartenir à un domaine technique. Sans contribution technique, il n’existe pas d’objet brevetable et pas d’invention. La contribution technique doit remplir les conditions de brevetabilité. En particulier, la contribution technique doit être nouvelle et non évidente pour une personne du métier.
– 10. Liberté d’interopérer
Chaque fois que le recours à une technique brevetée est nécessaire pour l’interopérabilité, ce recours n’est pas considéré comme une contrefaçon de brevet.
Exemple de brevet logiciel
Le brevet EP1484691 a été accordé par l’Office européen des brevets (OEB) le 6 juillet 2005. Ce même jour, le Parlement européen rejetait à la quasi-unanimité la proposition de la Commission européenne et du Conseil des ministres de l’Union européenne, visant à légaliser les pratiques de l’OEB. Ce dernier, malgré le droit européen actuel, a déjà délivré des dizaines de millier de brevets logiciels.
L’OEB a réagi au rejet de la directive sur les brevets logiciels en déclarant que : « l’OEB ne délivre pas de brevets pour les logiciels : les programmes d’ordinateurs revendiqués en tant que tels, les algorithmes ou les méthodes commerciales mises en œuvre par ordinateur qui n’apportent pas de contribution technique ne sont pas considérés comme des inventions brevetables au titre de la CBE. À cet égard, la pratique de l’OEB s’écarte nettement de celle de l’Office des brevets et des marques des États-Unis. »
à continuer avec positions de SAP sur le Brevet communautaire et expliquer que ce brevet est purement mathématiques...
OSDL et réforme de l’USPTO
cf. http://pasunblog.org/breve.php3?id_...
L’Office Américain des Brevets (USPTO) vient d’annoncer une réforme de son processus d’octroi des brevets dans le but d’en améliorer la qualité. Cette réforme serait due à l’influence du Logiciel Libre représenté par des acteurs comme IBM, Novell, OSDL, Sourceforge.net et Red Hat.
Elle consistera en trois points majeurs, dont un espace web public où les brevets pourront être contestés avant leur validation, ainsi que des outils permettant au personnel de l’office de mieux apprécier la qualité des dépôts.
À vrai dire, ce n’est pas quelque chose que nous (FFII) espérons. Cela signifie que certains brevets logiciels (lorsqu’il s’agit d’une
nouveauté) seraient acceptables. Dans le contexte états-unien où tout ce qui est utile est brevetable, cela peut à la rigueur faire sens.
Mais il faut bien voir qu’il y a un énorme danger à accepter ces nouvelles dispositions en Europe, car nul doute que les États-Unis tenteront d’imposer cette vision au travers d’accords internationaux ou de coopérations multi ou bi-latérales, c’est ainsi qu’ils se comportent dans l’offensive idéologique menée depuis quelques décénies pour « l’application des droits de propriété intellectuelle » (DADVSI en est un exemple).
Ce qu’il y a en jeu est de permettre ou non à des mécanismes d’exception (les brevets), destinés à favoriser l’innovation dans l’univers industriel, d’entrer dans la sphère de l’intelligence et du raisonnement (le logiciel, les algorithmes, les mathématiques => la pensée).
Confirmer que tout logiciel est une œuvre de l’esprit, régie en tant que telle par le droit d’auteur, et donc non brevetable, est assurément la voie à poursuivre. Et il est à craindre que cette initiative d’IBM, Redhat, Novell & Cie ne s’avère plutôt n’être qu’un obstacle pour faire accepter cette voie outre-atlantique.
DADVSI
La FFII France soutient les actions d’EUCD.info, initiative de la FSF France.
Logiciel libre et propriétaire
Les brevets logiciels touchent tous les logiciels.
Les développeurs et utilisateurs de logiciels libres sont particulièrement touchés, de par la nature même de leur système de développement (divulgation du code source, taille moyenne des entités commerciales ou volontaires développant des logiciels libres, etc.).
Ils ont été parmi les premiers à prendre conscience du problème des brevets logiciels. Ceux qui utilisent ou développent des logiciels libres en en comprenant et en en adoptant la philosophie, l’éthique et la politique, sont particulièrement conscients de la nature du logiciel, de l’importance de la circulation des connaissances et donc de l’antinomie avec les brevets logiciels.
Pour ces raisons, les développeurs et utilisateurs de logiciels libres ont été parmi les premiers à se mobiliser dans la lutte contre les brevets logiciels. Il n’est donc pas étonnant d’en trouver un nombre importants au sein du mouvement anti-brevets logiciels.
Mais ils ne sont pas les seuls.
Propriété intellectuelle
Cette expression doit être évitée autant que possible. Elle englobe trop de notions juridiques extrêmement différentes.
Par ailleurs, elle ne reflète que pauvrement le saut quantique apporté par la révolution informationnelle. La propriété des biens informationnels n’est ni un facteur de développement humain soutenable, ni même un facteur d’enrichissement, qu’il soit personnel ou collectif.