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L’Office Européen des Brevets qualifié par la Commission d’organisme « dogmatique, à courte-vue et assoiffé de pouvoir »

mardi 11 juillet 2006, par Philippe de Tilbourg

Bruxelles, le 11 juillet 2006 — Dans des documents annexes à la procédure de consultation sur la politique de brevet en Europe, la Commission critique l’Office européen des brevets (OEB) comme « une culture d’entreprise à part » qui considère que les « interventions de l’Union européenne regardant le droit des brevets sont une offense envers les Saintes Écritures ». La Commission soulève également la préoccupation du fait que l’OEB « assume un rôle de régulation qui ne lui appartient pas ». Ces remarques, émises de longue date par la FFII, contrastent violemment avec le soutien affiché du Commissaire McCreevy à l’accord sur les litiges en matière de brevet européen (en anglais : European Patent Litigation Agreement/EPLA), dont la ratification verrait le pouvoir de l’OEB s’accroître encore davantage.

Ces commentaires acides de la Commission apparaissent au détour de documents fournis aux PME sélectionnées par la Commission pour un 2e tour officieux de sa consultation publique sur le régime du brevet en Europe (voir notre communiqué de presse « Forfaiture de la Commission dans la consultation publique sur le brevet »). Après un tour d’horizon général de l’OEB, la Commission écrit que l’OEB professe « une culture d’entreprise à part, ajoutée à une compréhension très réduite de ce qui se passe à Bruxelles dans un contexte plus global ». Elle ajoute : « L’OEB a des liens étroits avec les offices de brevets nationaux et beaucoup moins avec l’échelon ministériel concerné des États membres. L’OEB a récemment fait l’objet de critiques de plus en plus importantes de la part de membres du Parlement européen concernant le manque de contrôle politique auquel il est soumis. »

Ces critiques, hautement inhabituelles, montrent que toutes les Directions Générales de la Commission ne sont pas aussi enthousiastes que celle du Marché Intérieur concernant le rôle de l’OEB. Jonas Maebe, membre du bureau exécutif de la FFII déclare : « Nous avons mis en garde à de nombreuse reprises concernant les dangers d’un OEB à l’ambition démesurée et irresponsable. L’OEB a non seulement changé de sa propre autorité ses règles afin d’accorder aux logiciels et aux méthodes commerciales une brevetabilité qui leur est interdite par les textes, mais il s’est de plus impliqué activement dans la politique de l’Union européenne en 2005 en dépensant des sommes considérables pour jouer un rôle de groupe de pression au sein du Parlement européen en faveur de la directive “brevetabilité du logiciel”. »

Depuis, la Commission a présenté son projet d’accord sur les litiges en matière de brevet européen (en anglais : European Patent Litigation Agreement/EPLA) comme une façon d’améliorer le régime européen des brevets, alors que dans les faits la ratification de ce dernier accorderait aux mêmes personnes qui dirigent actuellement l’OEB le rôle de choisir les juges de la nouvelle Cour centralisée du brevet européen. Et tout en remplissant ce rôle juridictionnel, les mêmes individus se verraient accorder le droit de continuer à travailler pour le compte de l’OEB. On retrouve ici un mélange des genres, typique du fonctionnement et de la « culture d’entreprise » de l’OEB qui se rétribue sur les brevets qu’il décide d’accorder, ce qui le conduit de fait à être à la fois juge et partie avec toutes les conséquences potentiellement délictueuses que cela entraîne.

Maebe compare cette situation à une agence environnementale qui vendrait des permis de polluer et appointerait simultanément des juges qui produiraient une jurisprudence de plus en plus laxiste du domaine. « L’OEB est une bureaucratie hors-contrôle que la Commission accuse à présent en substance d’agir en tant qu’entreprise commerciale. Avec la ratification de l’EPLA, le peu de garde-fous qui subsistent encore se verront supprimés. Même les juges désignés par l’OEB seraient nommés pour une période renouvelable de six ans. Ainsi, s’ils montrent trop d’indépendance ils seront remplacés. »

Erik Josefsson, représentant de la FFII à Bruxelles ajoute : « Je n’ai pas été étonné de rencontrer Ericsson, Nokia ou SAP dans les couloirs du Parlement européen en 2005, mais j’ai été plutôt surpris d’y croiser également les responsables de l’OEB. Entre temps des parlementaires européens m’ont confirmé qu’un juge du Tribunal de Première Instance faisait du lobbiyng en faveur de la directive “brevetabilité du logiciel” l’année passée. Si le Parlement européen devient sérieusement impliqué dans les discussions à propos de l’EPLA, je me demande de quoi cette campagne aura l’air... »

 Informations annexes

La Commission européenne est composée de plusieurs Directions Générales (DG), chacune dans un domaine précis. La consultation sur les brevets est organisée par la DG Marché Intérieur (DG MARKT). Cependant, l’infrastructure du Panel des PME, qui a été utilisée pour sonder les PME après la clôture de la consultation, appartient à la DG Enterprises et industry (DG ENTR). La documentation fournie aux PME semble également avoir été écrite par la DG ENTR, puisque l’invitation aux Euro Info Centres, qui ont mené cette para-consultation, a été signée par un représentant de la DG ENTR.

Pendant l’examen de la directive sur les brevets logiciels, un représentant de la DG Société de l’information (DG INFSO) avait admis ne pas non plus être forcément d’accord avec l’insistance de la DG MARKT. Il reste à voir si à l’avenir, d’autres DG compétentes seront plus à même d’influencer la politique des brevets que par le passé.

 Liens

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